diumenge, 20 de desembre del 2009

Les forçats de la terre

mercredi 16 décembre 2009

Les forçats de la terre

Jean-François MILLET - Les botteurs de foin.

Qui s’intéresse encore à eux, à ces paysans si loin de la grande consommation, du luxe, de la fringue et du spectacle ? De « tout ce qui fait le monde » pour reprendre un air à la mode….
Eux, par définition, si loin de ce parisianisme qui les ignore quand il ne le méprise pas, de cette « élite » avec sa vérité autoproclamée qui domine tous les discours « autorisés » à partir de leurs tribunes au « Monde », au « Figaro » ou à « Libération » desquelles le monde rural est toujours absent.

Eux, les travailleurs pauvres qui ne hantent pas les villes. Car la plupart d’entre eux vivent et travaillent dans les marges de la précarité. Ils ne sont pas SDF et ne couchent pas sur les trottoirs. Invisibles donc, comme exilés par les médias dans ce destin obscur des bois et des champs.

Et si on leur donne un visage, encore faut-il recourir aux vieux clichés jaunis de l’homme à la gitane maïs vissé à la lèvre, le kil de rouge à portée de main, la maladresse des mots dans la bouche… Cette impossibilité qu’on leur prête à appartenir à la modernité donc au monde. A peine s’ils existent, sauf quand il s’agit de se rassurer sur notre identité nationale, quand, par miracle, on fait corps avec notre passé.
Comme si leur réalité révélait une vérité sur les autres - vérité dérangeante pour ceux qui se sont coupés de la terre et des saisons, de l’espace et du temps, mais qui prétendent néanmoins imposer à chacun des leçons de réalité avec des impératifs moraux.

Flatté par une droite qui le méprise, peu aimé d’une gauche trop élitiste dont l’histoire s’est construite en parallèle avec l’industrialisation, le paysan est suspect. Attaché à la terre, enfermé dans ce droit du sol, forcément archaïque, ancré dans les profondeurs ténébreuses de l’Histoire, accroché à cette mission si triviale qui consiste à nous nourrir, on le destine à cette culpabilité qu’il traîne comme lui, autrefois, les bras de sa charrette.

Quant aux verts, ils ne les aiment guère plus, ceux-là qu’on accuse d’être responsables des algues tueuses, de l’eau contaminée, de l’usage des pesticides… La faux reste l’emblème de la Mort.

José Bové ? Allons, un peu de sérieux ! Ce fils de chercheurs de l’Université de Berkeley quand il était enfant et dont le père était membre de l’Académie des Sciences n’a jamais été rien d’autre qu’un activiste politique. Celui qui se prétend paysan n’est que gérant de la Société Civile des Terres du Larzac.
Quand on parle au nom des agriculteurs, c’est toujours et encore pour évoquer les plus forts, les grandes exploitations détenues par exemple par le Prince de Monaco, ou bien ces paysans introuvables, ceux qui aimeraient la culture bio si on leur en donnait les moyens plutôt que de les accuser. Les agriculteurs, eux, on ne les entend jamais.

D’ailleurs il n’y a à peu près qu’à TF1 chez Pernaut qu’on en parle. Mais Justement pour entretenir dans la population ce mythe d’une intemporalité, celle d’une France rurale ancrée à jamais dans le passé de la terre et des petits métiers.
Une France avec ses bons pauvres, ceux qui ont la décence de ne pas dormir sur les trottoirs, de ne pas faire bruit dans les HLM. Certes on leur attribuera un teint rougeaud mais ils sont blancs, tellement blancs. Ce sont les bons pauvres. Ceux qui ne parlent pas et dont on ne parle qu’au passé.


Exclus du champ médiatique, ils sont bons à trimer dans leurs champs pour rembourser les dettes auxquelles la productivité les condamnés. Car les banques ne les oublient pas. Les paysans sont encore plus soumis aux banques qu’à la terre qu’ils travaillent. La banque plus visible dans leur tête que le clocher du village.

Et depuis le début des années 90, leurs revenus baissent. En 2009 ils auront chuté de 34%. Parmi toutes les catégories sociales, c’est dans le monde agricole que le taux de suicide est le plus important. Mais c’est moins médiatique que France Télécom. On n’en parle pas. 16% des ménages agricoles, selon l’INSEE, vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Des gens qui travaillent, mais qui sont exclus de tout et même des Restos du Cœur limités aux villes.
Mais des gens qui ont le bon goût de ne pas exposer leur pauvreté, de ne pas la crier.
Sur Internet, on n’en parle pas : internet c’est la ville encore, les réseaux, la vitesse.
Alors justement il faut en parler, briser ce tabou qui condamne celui qui dans nos têtes doit rester cet être soumis, ce chouan responsable de ses malheurs parce que se courbant devant la terre et les forts. Coupable de se taire alors qu’on ne lui donne pas la parole, d’être le serf qui serre les dents sans se battre…

Ce n’est pas médiatique ? Raison de plus pour leur dire de parler, nous, bloggeurs, journalistes ou autres qui, trop souvent, parlons au nom des autres …

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